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Collecter les déchets moins souvent pour les diminuer, est-ce que ça fonctionne?

À Montréal, l’annonce que les Collectes d’ordures ménagères aux deux semaines seraient élargies à l’ensemble de l’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve d’ici 2024 a (évidemment) suscité des réactions passionnées. 

A priori ce n’est pas parce qu’une poubelle est moins ramassée, qu’il y a comme par magie moins de déchets. Alors quelle est la logique derrière l’espacement des collectes des déchets ultimes?

Pour comprendre ce qui motive les territoires à prendre le risque de se faire pitcher des tomates avariées, il faut regarder l’anatomie d’une poubelle! On y retrouve en moyenne [1] :

  • 57 % de matières organiques, qui devraient être au compost.
  • 20% de matières recyclables, qui devraient aller au bac de récupération.
  • 7% de résidus de construction, qui devraient prendre le chemin de l’écocentre ou être ramassés pendant une collecte spéciale.

Donc 85%, en moyenne, de ce qu’il y a dans un sac poubelle ne devrait pas y être!

Ce qui signifie que les citoyen.ne.s peuvent largement vivre avec une poubelle ramassée moins souvent, sans même devenir « zéro déchet », mais simplement en utilisant les autres bacs adéquatement. Il n’y a pas de raison non plus de craindre des problèmes d’odeur, peu importe la fréquence des collectes, si on met nos restes de nourriture au bac brun, qui lui demeure ramassé chaque semaine.

La collecte aux deux semaines, et même aux trois semaines, est en fait la norme pour beaucoup de villes et municipalités québécoises: Longueuil, Sherbrooke, Gatineau, Drummondville, Ville Saint-Laurent… Les poubelles ne sont pas non plus ramassées toutes les semaines à Toronto, Calgary et Ottawa. On a donc envie de dire come on Montréal et Québec, on est capables!

Sachant que le seul site d’enfouissement de Montréal sera plein en 2029, c’est-à-dire demain à l’échelle de la planification d’un territoire, il est plus que temps de s’y mettre!

Pourtant, comme le résumait parfaitement le maire de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve dans une entrevue à La Presse « toucher aux poubelles, c’est explosif » [2]. Les gens sont très attachés à leur « droit à la poubelle ». Mais posons-nous la question : est-ce que nos taxes sont au meilleur de leur utilisation quand elles sont employées pour gérer des matières qui vont finir dans un site d’enfouissement?

Et surtout, comparativement à d’autres inévitables changements d’habitudes liés à la crise climatique avec lesquels nous allons devoir composer, avoir un service de collecte des déchets moins fréquent est une promenade de santé!

Toutefois, il est légitime de se demander si l’espacement des collectes va avoir des effets pervers, comme une augmentation drastique du wishcycling.

Pour rappel, le wishcycling se traduit littéralement par « je souhaite que ce soit recyclé ». C’est le fait d’être tenté de mettre un maximum de choses dans le bac de récupération dans l’espoir que ces objets ne finissent pas dans un site d’enfouissement. Souvent par conscience écologique, par déculpabilisation, ou effectivement pour réduire la taille de sa poubelle.

Même si l’intention est bonne, le wishcycling nuit profondément au processus de recyclage! En effet, cela ralenti le tri, peut causer des bris d’équipements, et surtout diminue la qualité globale des lots triés, jusqu’à empêcher des matières qui auraient pu être recyclées de trouver preneur.

Il n’y a pas actuellement d’études sur l’évolution du taux de wishcycling avant et après un espacement des collectes, mais une telle démarche doit bien entendu s’accompagner de mesures de sensibilisation. De toute façon, les enjeux de tri existent, peu importe la fréquence de ramassage! Il ne faut donc pas s’empêcher de remettre en question le « droit à la poubelle », au contraire.

 

Vous vous trouvez dans une zone où le camion poubelle ne passera plus aussi souvent? Pas de panique! Voici quelques conseils:

  1. Renseignez-vous sur les différents types de collecte : matériaux de construction, résidus verts, etc. Sur la plupart des territoires, il y a des collectes ambulantes, vous n’aurez même pas besoin de vous déplacer.
  2. Informez-vous également des programmes de réduction à la source de votre ville ou municipalité : des centaines de territoires offrent des subventions pour des solutions alternatives comme les produits d’hygiène féminine réutilisables et les couches lavables. Ces subventions peuvent vraiment faire une différence sur le volume de votre poubelle: les couches représentent le 3e plus important déchet dans nos sites d’enfouissement. On en jette près de 2 milliards chaque année au Canada [3]!

Quoi qu’il en soit, le temps de la pensée magique où on met tout dans un sac, qui disparaît et n’est plus notre problème, est révolu. Nous devons apprendre, individuellement et collectivement, à faire autrement.

 

 

[1] Projet pilote d’espacement de la collecte des ordures ménagères

[2] La collecte des ordures bientôt toutes les deux semaines

[3] Les femmes et l’environnement (PDF)

 

Photo: Site d’enfouissement Complexe Enviro Connexions à Terrebonne

Crédit photo: Mélissa de La Fontaine

aurore@incita.ca

Aurore oeuvre principalement pour des projets en gestion des matières résiduelles et en économie circulaire. Les enjeux entourant les alternatives à l'usage unique, les modèles d'affaires utilisant la consigne, et la transition écologique des commerces sont ses sujets de prédilection.

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