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Sans plastique

[Sans plastique] Sans usage unique

Dans le milieu environnemental et zéro déchet, quand on pense aux déchets à usage unique, notre esprit se dirige souvent vers le plastique. Et ça tombe bien, parce que le plastique est un sujet chaud de l’actualité depuis plusieurs mois. Le plastique est devenu, avant la crise bien entendu, l’ennemi à abattre pour une planète plus verte. Nous avons donc rapidement vu apparaître des sacs à usage unique en papier, des pailles à usage unique en carton, de la vaisselle à usage unique compostable… 

En voulant trouver des solutions de remplacement donc, nous avons déplacé le problème de l’usage unique d’une matière (le plastique) vers d’autres matières (comme le papier).

Nous serions-nous trompé.e.s d’ennemi? 

Ne devrait-on pas plutôt remettre en question l’usage unique tout court?

Avant la pandémie, la question était déjà difficile à soulever, mais après l’impact que la crise a eu sur notre quotidien, le défi est encore plus colossal. Alors que la peur du virus reste très présente, un sentiment de sécurité est  associé à l’utilisation d’objets à usage unique. Pourtant.

La fausse opposition entre le réutilisable et l’usage unique

Depuis le début de la crise, plusieurs informations se précisent par rapport à la propagation du virus qui se fait principalement par contact direct entre deux personnes. À ce jour, aucun cas de contamination n’a été rapporté par les objets ou les emballages. 

Autre information importante à prendre en considération, le plastique, malgré des données qui diffèrent sur les temps de survie précis du virus, semble être la matière sur laquelle ce dernier survit le plus longtemps. C’est donc dire que peut importe que l’objet soit jetable ou réutilisable, le virus peut s’y déposer et survivre pendant un certain temps. L’important est donc de pouvoir le nettoyer et l’assainir afin d’éliminer toute trace potentielle du virus. Ce qui n’est pas possible avec les items à usage unique.  

À moins qu’on ne parle de matériel médical, le plastique à usage unique n’a rien d’intrinsèquement hygiénique. Les bactéries et les virus pathogènes peuvent s’y cacher aussi bien qu’ailleurs, soit en s’installant sous la pellicule de plastique de l’emballage ou sur l’emballage lui-même.

Agnès Le Rouzic, Greenpeace

Les contenants réutilisables peuvent ainsi être bien plus sécuritaires que l’usage unique. Il suffit en effet d’offrir un service sans contact en optant pour un processus qui n’implique pas de déposer les contenants des clients dans la zone de préparation des aliments, mais bien de les garder dans la zone de service, désinfectée régulièrement. Par exemple, pour un café pour emporter, nous devons simplement déposer notre tasse réutilisable sur le comptoir de service (à côté de la caisse par exemple) où le café pourra y être versé sans que personne n’y touche. Et ces bonnes pratiques devraient s’appliquer qu’on soit en temps de pandémie… ou pas.

La consigne, une solution gagnante et… en plastique!

Un de mes exemples favoris d’utilisation d’objets réutilisable dans un cadre sanitaire efficace est La tasse : un système de tasses à café réutilisables en consigne intégré dans un réseau de cafés à travers le Québec! J’en faisais d’ailleurs mention dans notre dernier article de blogue. Leur processus permet d’assurer l’innocuité des objets lors de leur utilisation puisque les tasses doivent être assainies avant chaque utilisation et que ce processus se produit sur place, limitant ainsi les manipulations. Les utilisateur.trice.s sont donc assuré.e.s de recevoir une tasse parfaitement propre lors de leur prochain café! Et bien entendu, La tasse permet d’éviter l’enfouissement d’un nombre considérable de gobelets à usage unique. Si on se fie à leur site Internet, ce sont plus de 350 000 tasses à usage unique qui ont été évitées depuis deux ans!

La tasse est, à mes yeux, aussi un excellent exemple d’une bonne utilisation du plastique. Tout d’abord parce qu’il n’est pas à usage unique et donc, son poids environnemental est amorti par les nombreuses utilisations de chacune des tasses. Ensuite parce que, selon une analyse de cycle de vie, une tasse de voyage en polypropylène (plastique) ne nécessite que 50 utilisations avant de représenter moins d’impacts environnementaux que les gobelets jetables. Alors qu’en comparaison, une tasse en acier inoxydable nécessite 220 utilisations et celle en céramique, 210.

Dans certaines situations, le plastique est donc l’option la plus écoresponsable! Même si, avec les informations actuelles qui circulent, ça peut sembler contre-intuitif.   

Ce qu’on cherche surtout à éviter donc, c’est l’usage unique. Peu importe la matière.

Pourquoi avons-nous l’impression que le jetable est plus sécuritaire?

Comme pour plusieurs choses, les raisons sont multiples, mais en voici quelques-unes qui pourraient bien expliquer notre sentiment collectif à cet effet.

L’utilisation des plastiques à usage unique dans les lieux médicaux afin d’emballer les objets stériles nous rassure. Nous avons bien compris que ces plastiques permettent de garantir l’innocuité d’un outil par exemple. Cela étant dit, on ne parle ni du même plastique ni des mêmes processus que les plastiques à usage unique dans le milieu alimentaire ou de consommation. Le parallèle s’arrête donc simplement au nom de la matière utilisée: le plastique.

Les industries d’objets à usage unique ont avantage à ce que ce sentiment de sécurité lié à l’usage unique se propage comme leurs revenus en dépendent. D’autant plus qu’avant la pandémie, l’utilisation du réutilisable gagnait en force à leur désavantage. Plusieurs journalistes ont d’ailleurs soulevé un nombre effarant de rencontres entre des lobbyistes de l’industrie plastique et le gouvernement fédéral, sans doute pour ralentir le mouvement en faveur du réutilisable sous prétexte de protection de la santé publique. 

Comment ramener les objets réutilisables?

Il est donc grand temps de mettre en place des solutions afin de ramener les contenants réutilisables. Il faut reprendre le terrain que nous avions gagné avant la pandémie maintenant que nous avons les informations nécessaires à l’instauration de pratiques qui sont à la fois sanitaires et écologiques. 

Voici donc quelques propositions d’actions à prendre :

  • Ne soyez pas gêné.e.s de (re)demander à vos commerçants de vous servir dans vos contenants. Absolument aucune autorité publique ne les en empêche.
  • Assurez-vous que la procédure est sécuritaire. Vos contenants ne doivent pas toucher aux installations des commerçants, à l’exception de la zone de service ou des ustensiles de service qui doivent par la suite être assainis. 
  • Si vous avez oublié votre tasse personnelle, demandez à vos cafés préférés d’utiliser La tasse en consigne.

Le contexte actuel me semble donc l’occasion parfaite pour nous (re)poser la bonne question pour la suite :

Et si on se concentrait à réduire l’utilisation d’objets à usage unique, peu importe leur matière?

La coopérative travaille d’ailleurs sur un projet collaboratif à ce sujet. Plus d’informations à venir.


Références

Photo de couverture : Jasmin Sessler via Unsplash.

melissa@incita.ca

Mélissa a adopté un mode de vie zéro déchet en 2013, et depuis, le sujet la passionne. Conférencière, chroniqueuse, consultante et elle est l'auteure du livre "Tendre vers le zéro déchet" aux Éditions La Presse.

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